"Les jeunes ont absolument besoin de perspectives d’avenir"

Le Nouvelliste, La Liberté; Christiane Imsand
Le Nouvelliste: "Pour la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga, l’initiative Ecopop ne résoudrait aucun problème environnemental. Mais elle étoufferait l’économie et les jeunes."

Cette initiative vous fait-elle peur?
Non, le Conseil fédéral n’a pas peur. Son rôle est d’informer la population. Nous devons dire qu’un vote favorable à Ecopop aurait d’importantes répercussions pour la Suisse. Cette initiative prétend résoudre des problèmes environnementaux, mais elle étouffe notre économie et met en péril nos relations avec l’Union européenne, déjà fragilisées par l’adoption de l’initiative "Contre l’immigration de masse". Ecopop conduirait à un isolement dont les effets négatifs ne frapperaient pas seulement les entreprises, mais aussi les jeunes, les retraités et les petits revenus. Quand l’économie va mal, ce sont toujours eux les premiers à en pâtir.

Il faut donc accepter que la bonne santé de l’économie implique une augmentation de la population de 80 000 personnes par année?
Ecopop ne propose pas de modèle alternatif. Elle se contente d’affirmer que nous pourrons résoudre nos problèmes d’environnement en excluant les étrangers et en donnant chaque année 150 millions de francs aux pays les plus pauvres pour freiner leur natalité. Ma réponse est qu’on ne protégera pas notre environnement en s’en prenant aux étrangers, mais en traitant de front les questions d’aménagement du territoire, de mobilité ou d’énergie.

Les initiants ne veulent pas d’une Suisse qui ressemble à Hong Kong. Un argument qui fait mouche?
Il faut garder le sens des proportions. Regardez le Plateau suisse. La surface construite ne dépasse pas 16 pour cent. J’admets que des erreurs ont été commises en matière d’aménagement du territoire, mais l’initiative Ecopop ne fait aucune proposition à cet égard. Non seulement elle ne résoud aucun problème environnemental, mais elle crée de nouveaux problèmes, qui toucheront particulièrement les jeunes. Car ce sont leurs perspectives d’avenir qui sont menacées par un affaiblissement de nos relations avec l’Union européenne.

Le Conseil fédéral fait preuve d’une grande fermeté contre Ecopop. Une façon de compenser son trop faible engagement contre l’initiative du 9 février?
A l’époque, on nous a plutôt reproché un engagement trop important. Nous devons avoir conscience de l’importance de l’enjeu. Avec Ecopop, on inscrirait dans la Constitution un plafonnement annuel de l’immigration nette à 0,2% de la population résidente. Il n’y aurait aucune possibilité d’adaptation en fonction des besoins en main-d’œuvre. Une telle rigidité n’est pas défendable.

C’est une initiative xénophobe?
Je constate qu’elle prétend résoudre des problèmes d’environnement, mais que les mesures qu’elle propose visent uniquement les étrangers. En outre, elle défend un concept dépassé de l’aide au développement, en demandant que les pays du Nord interviennent dans les pays du Sud pour limiter les naissances. On sait que le planning familial comme mesure isolée n’apporte rien. Il faut lutter contre la pauvreté et investir dans l’éducation des filles. C’est ça qui entraine une réduction du nombre d’enfants.

La Confédération soutient pourtant des programmes de planning familial à l’étranger...
Oui, mais cela s’intègre dans une approche globale. Les initiants veulent qu’on consacre 150 millions de francs par an pour le planning familial, mais ils ne proposent pas d’investir dans la scolarisation des filles, dans la santé ou pour donner des perspectives d’avenir aux jeunes. La Constitution ne mentionnerait que le planning familial. C’est absurde.

Les relations avec Bruxelles sont déjà compromises par l’initiative UDC. Quelle marge de manœuvre reste-t-il avec Ecopop?
L’adoption de l’initiative "Contre l’immigration de masse" a tout de suite eu des effets sur la participation suisse aux programmes européens pour la formation et la recherche. Le Conseil fédéral fait tout ce qui est en son pouvoir pour mettre en œuvre le texte adopté le 9 février, tout en préservant des relations stables avec l’UE. Les discussions avec Bruxelles seront difficiles. Avec Ecopop, il faudrait recommencer à zéro, avec des obstacles encore bien plus importants. Les personnes qui pensent que l’adoption de l’initiative renforcerait le signal donné le 9 février feraient bien d’y réfléchir à deux fois. On prend une grande responsabilité en modifiant la Constitution, qui est le fondement de notre Etat de droit.

Vos interlocuteurs bruxellois s’inquiètent-ils du résultat de la votation?
Non, ils ne sont pas inquiets, mais ils observent la situation. Parfois avec un certain étonnement, car la Suisse a un taux de chômage que tout le monde lui envie, notamment parmi les jeunes. Or, ceux-ci seraient les premiers à être pénalisés par Ecopop.

Est-ce que l’initiative ne favoriserait pas un meilleur recours à la main-d’œuvre indigène?
Avec Ecopop, on réduirait des trois quarts l’immigration nette. L’initiative n’apporte aucune solution pour mieux exploiter le potentiel de main-d’œuvre indigène. La Suisse aura toujours besoin de main-d’œuvre étrangère, et l’adoption de l’initiative conduirait plutôt les employeurs à demander davantage de permis pour les frontaliers. En effet, ceux-ci ne sont pas touchés par l’initiative Ecopop. Et comme les frontaliers se déplacent généralement en voiture, il n’y aurait aucun gain du point de vue environnemental.

La Confédération ne cesse pourtant de répéter qu’il faut mieux recourir au potentiel de la main-d’œuvre indigène...
Oui, c’est une nécessité, mais Ecopop n’y est pour rien. C’est la démographie qui va changer le monde du travail. D’une part, la génération du baby-boom va bientôt arriver à l’âge de la retraite, d’autre part, le nombre de jeunes arrivant au terme leur scolarité va baisser. Le nombre de personnes actives va donc diminuer. On aura davantage besoin des plus de 50 ans et des femmes dans les entreprises.

Dernière modification 07.11.2014

Début de la page