Votation sur l’asile : interview de Simonetta Sommaruga

La Liberté et autres; Philippe Boeglin
La Liberté : "Soyons clairs: sans représentation juridique, l'accélération des procédures d'asile ne serait pas possible."

La rapidité des procédures ne va-t-elle pas rendre la Suisse encore plus attrayante, comme le redoute l’UDC?
Simonetta Sommaruga: L’expérience montre que la rapidité a un effet dissuasif sur les demandes d’asile manifestement infondées. Les procédures en 48heures introduites en 2012 pour les ressortissants de certains pays des Balkans ont fait chuter le nombre de requêtes en provenance de ces Etats.

Que répondez-vous à l’UDC qui déplore la hausse des forfaits versés aux requérants acceptant de retourner volontairement chez eux (pratique testée au centre-pilote de Zurich)?
C’est très simple: cette aide au départ est vite remboursée, puisqu’un départ volontaire reste la solution la moins chère en cas de décision négative. Les renvois sous la contrainte sont, d’une part, discutables et pénibles humainement, et d’autre part, génèrent des factures très élevées. Au centre-pilote de Zurich, nous avons testé un système dégressif pour le montant de l’aide au départ: plus le requérant part tôt dans la procédure, plus il reçoit d’argent (2000francs au maximum, ndlr). Plus il attend, moins il touche (minimum accordé: 500francs, soit le même montant que dans les procédures habituelles, ndlr).

L’UDC a critiqué la hausse du nombre demigrants qui «disparaissent dans lanature», constatée au centre-pilote zurichois…
Une remarque en préambule: le taux de «disparition» était, avant l’introduction du système Dublin, le double de ce qu’il est aujourd’hui. Maintenant, oui, c’est exact, avec les procédures accélérées il y a davantage de migrants qui «sortent du radar», parce qu’ils comprennent tôt qu’ils ne remplissent pas les conditions. Apparemment, ces personnes quittent la Suisse, car sinon, on les retrouverait parmi les bénéficiaires de l’aide d’urgence, ce qui n’est pas le cas. Et nous n’avons pas d’indication concernant une hausse de la criminalité.

Le risque d’expropriation a été également soulevé. Comment pouvez-vous rassurer la population?
La Confédération n’a aucune intention d’exproprier qui que ce soit. Nous avons déjà trouvé presque tous les centres nécessaires, et, pour ceux qui restent, nous travaillons en étroit dialogue avec les cantons et communes. Et, vu que nous cherchons des emplacements pour des centres fédéraux d’un minimum de 250places, il est évident que les propriétaires de maisons familiales n’ont strictement rien à craindre.

Mais fallait-il vraiment inclure cette possibilité d’expropriation dans la loi?
Cet instrument est prévu de manière standard comme ultima ratio («dernier recours») dans les procédures d’approbation des plans de la Confédération. Ce n’est pas une spécificité de la loi sur l’asile, bien au contraire. On la trouve dans chaque texte législatif qui permet à la Confédération de construire des infrastructures: dans les domaines militaires, du réseau électrique ou des routes. L’expérience faite avec les infrastructures militaires devrait rassurer tout le monde. En 20 ans, il n’y a eu absolument aucune expropriation.

L’UDC a aussi critiqué les «avocats gratuits», qui représentent les requérants en procédure accélérée. Les migrants «remis» aux cantons dans le cadre de laprocédure étendue pourront-ils également en bénéficier?
Soyons clairs: sans représentation juridique, l’accélération des procédures d’asile ne serait pas possible. Les requérants multiplieraient les recours, ce qui retarderait la décision finale. En procédure étendue, les requérants n’ont droit à un conseil et une représentation juridique payés par la Confédération que pour les étapes importantes du processus, comme les auditions.

Vos adversaires ont reproché au centre-pilote à Zurich d’avoir soigneusement choisi «ses» requérants pour éviter que les procédures ne durent trop longtemps et ainsi embellir ses statistiques…
Les requérants dont la demande est traitée au centre-pilote sont choisis au hasard. Je souligne que l’enquête indépendante n’a pas relevé d’irrégularités et a conclu à de bons résultats.

Vous reconnaissez quand même que lapart d’Erythréens au centre zurichoisétait moindre que dans toute la Suisse?
Pendant l’été 2015, le nombre d’Erythréens a légèrement diminué en raison d’une pénurie de traducteurs. Mais s’il y avait eu davantage d’Erythréens, les statistiques du centre-pilote auraient été encore meilleures, car leurs dossiers se traitent en général rapidement.

Que répondez-vous à votre aile gauche qui s’inquiète, entre autres, de la rapidité des procédures?
C’est vrai, certains à gauche considèrent que cette loi n’est pas parfaite. Mais laisser des requérants dans l’expectative pendant des mois ou des années, comme c’est le cas aujourd’hui, ce n’est pas satisfaisant non plus. Ni pour eux, ni pour la Suisse. Cette révision de la loi propose d’accélérer les procédures afin de statuer le plus vite possible sur les demandes d’asile, pour accorder protection aux personnes qui en ont réellement besoin, tout en exigeant des autres qu’elles quittent rapidement la Suisse. Ilen va tout simplement de lacrédibilité de notre politique d’asile.

Pensez-vous que les représentants juridiques gratuits pourront défendre correctement les requérants, alors qu’ils ne sont pas avocats de formation et ne sont pas indépendants vis-à-vis de l’Etat qui les paie?
Ces personnes sont des juristes spécialisés dans le droit d’asile, donc très bien qualifiés. Elles travaillent pour des organisations privées, auxquelles la Confédération verse unforfait par cas. Concernant leur impartialité, l’analyse indépendante effectuée au centre-pilote de Zurich a démontré que les requérants bénéficiaient d’une bonne représentation et de bons conseils. Et, si les migrants ne sont pas satisfaits, ils peuvent toujours prendre un avocat externe, à leurs frais.

Dernière modification 09.05.2016

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