"La dignité humaine doit être au centre de notre action"

Socialistes.ch, Lisa Schädel
Socialistes.ch: "Son engagement politique fut une suite logique de son travail en qualité de directrice de la Fondation pour la protection des consommateurs (Stiftung für Konsumentenschutz), dont elle assumera, par la suite, la Présidence. Après un parcours politique communal et au sein des deux Chambres du Parlement fédéral, Simonetta Sommaruga accède au Conseil fédéral pour succéder à Moritz Leuenberger. Entrée en fonction le 1er novembre 2010, Simonetta Sommaruga occupe depuis cette date la fonction de Cheffe du Département fédéral de justice et police (DFJP). Elle assume, en 2014, la vice-présidence du Conseil fédéral. Rencontre et tour d’horizon des enjeux politique 2014 de son Département avec cette passionnée de piano, de littérature, de marche et de jardinage…"

Simonetta, as-tu pris de bonnes résolutions politiques pour la nouvelle année ?
J’ai pris une résolution à très court terme, mais qui n’en est pas moins importante. Nous devons impérativement remporter la votation sur l’initiative UDC contre l’immigration de masse. Il ne s’agit pas d’une votation à simple portée symbolique, cette initiative pose des questions fondamentales de système. Nous devons être unis pour contrer cette initiative et nous assurer qu’un maximum de votant-e-s participe à cette votation.

Où se situe le principal problème de l’initiative ?
Tout d’abord dans le fait de réduire les étranger-ère-s à la simple notion de « forces de travail ». Les requérant-e-s d’asile seraient également soumis à des contingents et ce n’est pas là une vision de l’être humain que je peux partager. Deuxièmement, l’initiative isole complètement la Suisse du reste de l’Europe, notre principal partenaire. De plus, si l’initiative devait être appliquée à la lettre, la préférence nationale conduirait à une nette discrimination des « secondos ». Enfin, la gigantesque bureaucratie qu’impliquerait cette initiative m’inquiète vraiment.

Alors que l’UDC se montre toujours très critique vis-à-vis de l’Etat…
En effet, c’est d’autant plus surprenant.

Sera-t-il possible de convaincre les gens que cette initiative ne résoudra aucun problème ?
Je constate un très grand besoin d’information. Il est essentiel de pouvoir discuter avec la population et d’expliquer que cette initiative n’apportera pas la moindre solution. Il n’est même pas certain qu’elle freinera l’immigration. En effet, dans les années 60, malgré le système de contingent qui était en place, l’immigration n’a jamais été réduite.

Comment résoudre ces problèmes ? Le PS demande un renforcement des mesures d’accompagnement. Est-ce la bonne voie ?
Oui, tout à fait. Les mesures d’accompagnement qui ont été adoptées lors de l’entrée en vigueur de la libre circulation des personnes sont un grand succès de notre Parti. La croissance de notre pays nécessite des mesures d’accompagnement. J’entends ces mesures au sens large : des logements à prix abordable, la protection de nos paysages, en finir avec le mitage du territoire et poursuivre le développement de nos transports publics. Ces mesures complémentaires doivent également être prises en parallèle aux mesures habituellement citées dans le marché du travail.

Certaines voix s’élèvent pour critiquer le fait que le PS, sur les questions migratoires, est trop éloigné des inquiétudes de la population. Partages-tu ce point de vue ?
Le débat sur la migration a été, durant des nombreuses années, totalement polarisé entre gauche et droite. Longtemps, peut-être durant trop longtemps, le PS a considéré certaines positions comme tabou. Mais les choses ont évolué. Ce thème a été abordé et débattu de manière large, ce que je salue. Je suis d’avis que le Parti pourrait empoigner ces thématiques de manière encore plus intensive.

La thématique de l’asile fait partie intégrante du débat sur la migration et préoccupe la population. En qualité de conseillère fédérale, comment peux-tu répondre à ses inquiétudes, tout en garantissant des procédures d’asile équitables ?
Dans ce débat très polarisé, mon objectif est de parvenir à rétablir une certaine unité. La base de discussion doit permettre à des personnes qui nécessitent une protection de venir dans notre pays pour y recevoir l’aide dont elles ont besoin. J’ai une intense collaboration avec les cantons, afin de parvenir à une accélération des procédures de demandes d’asile, tout en renforçant la protection juridique des demandeurs d’asile. Je pense que nous pouvons, dans ce sens, faire plus pour les requérant-e-s d’asile et les réfugié-e-s. Les personnes qui peuvent rester doivent être intégrées aussi vite que possible. A l’inverse, les personnes qui ne remplissent pas les conditions doivent recevoir une décision rapidement, sans devoir attendre des années.

Dans le cadre du contingent de réfugié-e-s syrien-ne-s, quelles sont les mesures concrètes qui seront prises pour leur accueil en Suisse ?
Il était très important pour moi de renouer avec notre tradition humanitaire. Nous avons un programme d’intégration spécifique pour certains groupes de réfugié-e-s. Ces personnes, principalement des femmes et des enfants, ont souvent vécu des traumatismes importants. Nous devons donc concentrer nos efforts pour leur permettre de se donner de nouveaux repères et de se construire, dès que possible, une nouvelle autonomie. Nous devons nous investir énormément pour y parvenir, avec les cantons, et nous y travaillons de manière sérieuse.

Peu après ton entrée en fonction, tu avais avoué, dans une interview de février 2011 consacrée au journal « links » (ndlr le pendent alémanique de "socialistes.ch"), que le DFJP n’avait pas forcément été ton premier choix. Comment te sens-tu aujourd’hui au sein de ce Département ?
Je suis vraiment très à l’aise dans mon Département. Je peux l’illustrer au travers d’un petit
exemple. Peu avant Noël, je me suis rendue à l’Office des migrations (ODM), et plus précisément chez les collaborateurs et collaboratrices du service postal. Au sous-sol, j’ai pu voir les dossiers qui y étaient classés : 1,1 million de dossiers de naturalisations et de requérant-es d’asile ! Et derrière chacun de ses dossiers se trouve une personne, un destin, une histoire de vie. C’est un exemple symptomatique de mon Département, qui traite des dossiers très émotionnels et humains. Pas uniquement dans le domaine des migrations, mais aussi sur des questions de société, qui concernent très directement les gens. Et pour répondre à toutes ces questions, la dignité humaine doit être au centre de notre action.

Dernière modification 21.01.2014

Début de la page